Choc frontal [Prio Neville]

Tenessy joua nerveusement avec l’une de ses mèches de cheveux. Elle fit tourner la boucle dans un sens, puis dans l’autre. Inlassablement, ignorant les appels et les conversations de ses amies assises à côté d’elle. Pas qu’elle s’ennuyait, seulement, elles lui semblaient si loin à cet instant. Leurs préoccupations n’étaient plus les mêmes. Discuter de sa prochaine robe de bal ou de son cavalier ne l’intéressait pas. Elle s’écarta doucement du groupe de fille qui parlait et les quitta sans dire un mot. Elle secoua vigoureusement la tête. Elle aurait aimé s’intéresser à ce genre de conversation futile, mais tellement nécessaire à une jeune fille de 17 ans. Parfois, elle avait cette impression d’avoir grandi trop vite, d’avoir brûlé les étapes.

Ses parents lui avaient enseigné la manière dont il était convenable de se tenir, les règles qu’il était nécessaire de respecter en société, les paroles qu’il fallait ou ne fallait pas dire. Depuis son entrée à Poudlard et son retour dans le monde magique, la vie de Tenessy n’avait été qu’une succession de code, de faux-semblants et d’apparence. Elle avait perdu cette innocence qui caractérise si bien les enfants. Pour beaucoup, la découverte ou l’entrée dans le monde magique est un passage, un rituel symbolique rempli de féerie. Mais pour elle, c’était la fin d’un cycle, la fin de sa vie de petite moldue. Le jour de son entrée à Poudlard, elle était devenue la petite dernière d’une famille respectée et reconnue, et elle avait dû et devait encore, en supportant le statut, les devoirs et les conséquences. Mais peut-être était-ce là son destin ?

Tenessy s’aventura seule dans les couloirs. La solitude ne la dérangeait guère, autant elle se nourrissait des paroles des autres qui lui donnaient cette impression d’exister, autant elle avait besoin de passer de long moment, seule, à réfléchir ou simplement à observer ce monde qui, même après six longues années, lui était encore étranger. Bien sûr, elle savait utiliser la magie, bien sûr elle ne s’extasiait plus devant les créatures nouvelles ou les plantes énigmatiques qu’elle découvrait mais elle avait cette impression de ne pas penser comme les autres. Ou peut-être se complaisait-elle à se croire différente, à rester dans cet état d’esprit sans oser avancer. Non, elle n’était pas courageuse et elle avait finalement peur de ce que le changement pourrait lui apporter.

La jeune Serdaigle dévala les marches une à une et ne s’arrêta pas lorsqu’elle sentit les escaliers changer de direction sous ses pas. De toute manière, elle finirait bien par ressortir quelque part. Peu importe qu’elle passe par le cinquième étage ou par la tour d’astronomie, elle arriverait bien à sortir à un moment ou à un autre. Non ? Elle saisit au vol quelques conversations et soupira : Peterson et McAdams avaient encore rompu, pour la troisième fois depuis la rentrée, voyage dans le Poudlard Express exclus.

*Ah la jeunesse.*

Elle sourit à sa propre réflexion, se sentant vieillir d’un coup et ayant l’impression d’entendre sa grand-mère murmurer ces mots à son oreille.

Ce matin le professeur Londubat c'était levé très tôt, on était samedi et il n'avait donc pas de cours en ce début de journée. Le temps était pluvieux et froid, il y allait il avoir pas mal de vent. Neville s'habilla donc pour aller inspecter les serres de Botanique. Étant professeur de Botanique il était de son devoir de s'occuper des plantes qui étaient dans les serres, il adorait d'ailleurs cela sinon il n'aurait jamais accepté le poste. Il commença par la serre numéro 1 et prit à peu près toute la matinée à traiter, arroser ou couvrir les diverses plantes dans les quatre serres. C'était un véritable travail mais il savait y faire de plus il se rappelait avoir eu une retenue du professeur McGonagall en cinquième année où il devait planter des graines. Il avait donc le coup de main pour tout ce qui touchait à la terre.

Nev' retourna ensuite dans ses appartement pour prendre une douche puis alla en salle des professeurs pour corriger les copies de son premier cours. Il alla mangé assez tard ce jour là et faire une pause lui ferait le plus grand bien. Après avoir donc repris des forces il se rappela qu'il avait laissé des pots pour de nouvelles plantes dans la salle des professeur. Il y retourna donc et se dirigea vers les serres de Botanique. Les escaliers n'étaient cependant pas du même avis que lui et il bougèrent au mauvais moment. Nev' qui était toujours aussi habile de ses mains faillit tomber en arrière et essaya de se rattraper à la rampe de l'escalier. Bien sur les pots qui étaient dans ses mains tombèrent, malheureusement pour le jeune professeur, sur une élève qui était sur le même escalier. Neville après avoir repris l'équilibre sortie sa baguette magique et récupéra ses pots en les réparant si besoin il y avait. Puis il se tourna vers la jeune élève pour s'excuser de sa maladresse, il avait l'habitude depuis le temps. Ce n'était vraiment pas la première fois que ça lui arrivait.

- Excusez moi je suis très maladroit. Je ne vous ais pas fait mal ?

L'ancien Gryffondor avait l'air assez inquiet pour la jeune fille en face de lui, après tout elle venait de se prendre plusieurs pots en terre cuites sur les pieds. Cette situation était du déjà vu mais une chose avait cependant changer par rapport à avant. Depuis qu'il avait tenu tête à Voldemort et qu'il était devenu l'un des héros de la grande bataille les élèves qui subissaient ses maladresses étaient beaucoup plus indulgent. Il y en avait même certain qui était très heureux de le rencontrer en personne. De plus il était maintenant professeur et il était donc plus respecté, même les élèves de Serpentard ne pouvaient pas dire ce qu'ils pensaient de lui sans avoir peur des sanctions. Il regarda la jeune fille en se demandant comment, elle, allait réagir à la situation.

Tenessy laissa échapper un grognement rauque, alors que les pots en terre cuite s’écrasaient bruyamment sur le sol ainsi que sur ses pieds. Son premier réflexe fut de se mordre l’intérieur de la joue pour retenir un cri ou ce qui aurait pu s’apparenter à une insulte. Mais Tenessy n’insultait pas les gens quels qu’ils soient, question de politesse. Elle s’appuya sur la rambarde, souleva son pied gauche qui menaçait de la faire hurler sous peu, si elle n’essayait pas de faire passer la douleur d’une quelconque manière. Elle hésita même à retirer sa chaussure pour laisser son pied libre, mais elle réalisa finalement que ce n’était ni le lieu, ni le moment approprié pour cela. Au pire elle écoperait d’un bel hématome, rien de très grave en perspective. Elle poussa quelques morceaux d’un des pots brisés du bout de l’autre pied et s’apprêta à se pencher pour les ramasser, lorsque ceux-ci s’envolèrent dans les airs et se recollèrent ensemble…comme par magie.

Elle se redressa, reposa son pied encore douloureux à terre avant de lancer un regard presque inexpressif devant elle à la recherche de son « agresseur » car elle doutait fortement, très fortement même, que ces pots soient tombés sur ses pieds par la seule action du bon Dieu – ou de Peeves. Elle leva automatiquement les yeux au ciel en apercevant son professeur de botanique quelques marches plus bas. Elle aurait dû s’en douter. Qui autre que le professeur Neville Londubat aurait pu se promener dans Poudlard les bras chargés de ce type de récipient ? Et qui autre que lui aurait pu être aussi maladroit ?

« Personne. » murmura-t-elle pour elle-même.

Neville n’avait que trois de plus qu’elle pourtant, il était aujourd’hui plus qu’un simple élève inconnu croisé au détour d’un couloir, il était son professeur et en cela, elle lui devait le respect, quand bien même il venait juste de lui écraser les pieds. Finalement, peu importe bien la personne que l’on est devenu certaine chose ne s’efface pas, jamais. A peine arrivée à Poudlard, on lui avait présenté Neville comme un étudiant d’une maladresse effrayante, avec une mémoire prête à faire concurrence à celle des poissons rouges et manquant de confiance en lui. Et même si ce dernier point était certainement moins vrai, et même si il était devenu « quelqu’un », un héros, il restait toujours Neville le maladroit, toujours égal à lui-même. Elle arqua un sourcil et se demanda pourquoi cet homme était aujourd’hui considéré comme un héros. Ou plutôt, elle se demandait comment, lui qui semblait parfois si empoté, avait pu faire preuve de tant de courage pour mener la résistance à Poudlard et défier le grand mage noir en personne.

« Excusez moi je suis très maladroit. Je ne vous ais pas fait mal ? »

Elle pinça ses lèvres l’une contre l’autre pour éviter de d’exprimer le fond de sa pensée, à savoir que ses pieds ne sont pas une piste d’atterrissage pour pots en détresse et qu’il existe une formule pour réduire la taille des encombrants et ainsi éviter ce genre d’accident, mais elle se contenta de répondre à la négative en ajoutant sur le ton de la plaisanterie :

« Vous agressez vos élèves maintenant professeur, vous devriez me rajouter des points pour cela. »

*Ou supprimer notre devoir supplémentaire.* pensa-t-elle presque amèrement en repensant à son dernier cours où ses camarades et elle s’étaient retrouvés face à des Tentacula vénéneuses qui les avaient littéralement pris au piège, conduisant au fiasco général du cours.

« Nouveaux pots pour de nouvelles protégées, professeur ? » demanda-t-elle évasivement.